Journal d'une boulimique.

Lettre à toi.

Chris,

Comment tu vas ?
Ne te méprend pas : je t’en veux toujours. Je dirais même plus : je ressens énormément de haine à ton égard. Enfin, à l’égard du type que tu es devenu. Mais ça n’est pas de ça dont je veux te parler.
J’ai un problème. Je suis un peu perdue et j’aurai voulu en parler avec ton ancien toi. A défaut de pouvoir le trouver, je lui écris.

J’ai rencontré quelqu’un. Pour être exacte, je l’ai plutôt rencontré à nouveau. Nous étions déjà sortis ensemble il y a deux ans. Juste à des soirées. Nous étions donc à chaque fois complètement saouls. J’allais dormir chez lui, nous nous faisions des câlins toute la nuit et il me reconduisait à ma voiture le lendemain dans l’après-midi. C’est arrivé trois ou quatre fois.
Bref, comme tu le sais, c’était le moment où dès qu’un garçon s’intéressait un tout petit peu à moi, je nous imaginais directement filer le parfait amour. Puis Beni (tu te souviens de Beni ?) m’a dit qu’il avait entendu plusieurs fois Pierre (oui, parce qu’il s’appelle Pierre) m’insulter. Il s’est avéré par la suite que cela n’était pas vrai, mais je ne l’ai appris que récemment.
Enfin, suite à cela, j’ai arrêté de lui parler et je l’ignorais quand nous nous croisions en soirée. Tout ça au profit de Beni, mais bon, c’est une autre histoire et celle là, tu l’as connais déjà.

Bref, au début du mois de mars, pour la première fois depuis deux ans, j’ai discuté à nouveau avec Pierre. Je suis rentrée chez lui. Par la suite, nous avons passé deux soirées ensemble. Sobre pour une fois.
Et puis j’ai eu peur. Tu me connais, j’ai commencé à me prendre la tête. Ca m’empêchait de dormir.
Je pensais que plus j’apprendrai à le connaître, plus je me rendrais compte que nous ne sommes pas du tout compatible. Cette "relation" en serait resté éternellement au stade de l’occasionnel et du non officiel. Mais j’ai mal calculé mon coup. Il a de la conversation et il est drôle, souvent malgré lui. Il est têtu, une vraie tête de mule ! Il est très câlin : quand je dors avec lui, il vient toujours me rechercher au milieu de la nuit.
Le plus important dans tout ça, c’est que j’aime bien être avec lui malgré le fait qu’il ne soit pas toi. J’aime le fait qu’il ne soit pas toi.

Je suis en train de sourire toute seule devant mon ordinateur, car je t’imagine très bien, assis dans ton divan, impatient que j’en vienne au fait. T’as jamais été très patient pour écouter les préambules aux histoires. Ca avait parfois tendance à m’énerver. Mais j’y viens, j’y viens.

A une soirée, il a discuté avec une fille toute la fin de soirée. Elle était moche. Tu me connais assez pour savoir que j’ai tendance à me dévaluer par rapport aux autres. Donc, si je te dis qu’elle était moche, c’est qu’elle l’était vraiment !
Bref, ça m’a énervé, mais nous ne nous sommes pas réservés l’exclusivité. C’est moi d’ailleurs qui ait insisté sur ce point. Oui, sur le moment, je l’ai regretté. J’étais tellement énervée que j’ai effacé son numéro et que le lendemain, je lui ai envoyé un message via Facebook pour lui dire que je ne voulais plus qu’on se voit, car j’avais peur de m’attacher et que je n’étais pas prête pour me remettre avec quelqu’un. Il était d’accord avec moi.
Et hier, à une autre soirée, il est de nouveau sorti avec une femme qui était encore une fois moche et qui avait surtout au moins 10 ans de plus que lui.
Je sais, je suis une jalouse.
A la fin de la soirée, la femme était partie. J’ai fini par discuter avec Pierre et je suis retournée dormir chez lui.

Ca m’énerve parce que j’ai craqué. Ca m’énerve parce que je l’aime bien et que je ne sais pas ce que je dois faire. J’ai évidemment essayé de parler de ça avec lui à 5 heures du matin, complètement imbibée par l’alcool.
Oui, je choisi toujours les pires moments pour entamer les conversations sérieuses. Le lendemain, il m’a dit qu’il ne se souvenait pas de cette conversation. Moi, j’ai juste le souvenir de l’avoir traité plusieurs fois de cons et de lui avoir dit que je l’aimais bien. J’ai l’impression qu’il m’a dit qu’il m’aimait bien aussi, mais je n’en suis pas totalement sûre. Une discussion de gens bourrés quoi.
Bref, qu’est-ce que je fais ? Soit je laisse tomber, soit on recommence à se voir occasionnellement, soit je lui expose clairement la situation.
J’ai besoin de ton avis Chris. Je suis terrifiée à l’idée de me reprendre un mur. Je suis terrifiée à l’idée d’être à nouveau blessée. J’ai pas encore guéri. Est-ce que je suis prête à encaisser un nouveau coup ? Comment sait-on si on est prêt pour ce genre de choses ?
Je voudrais tellement que tu sois là pour me rassurer, pour me dire d’y aller et que de toute façon, si je me plante, tu seras là pour m’aider à me relever. Tu me manques tellement.

Tu sais, ce que j’aime bien avec Pierre, c’est que quand il me prend dans ses bras, je me sens en sécurité ; quand il me regarde, je me sens belle ; quand je lui parle, je ne me sens pas conne.
J’ai envie de continuer d’apprendre à le connaître, mais pour la première fois de ma vie, j’hésite à fuir devant un homme qui me plaît. Je suis prête à mettre tout en place pour m’éloigner de lui : supprimer à nouveau son numéro (ah oui, je t’ai pas dit, mais il me l’a redonné ce matin...) et éviter de boire lorsque je suis à la même soirée que lui. Est-ce que tu crois que c’est ce que je devrais faire ?
J’ai oublié mes boucles d’oreilles et ma bague chez lui. Je compte donc passer en coup de vent cette semaine pour les récupérer et il faut que je sache à ce moment là ce que je veux. Et je n’en sais rien.

En ce moment, je t’en veux, car si je suis tellement perdue, c’est de ta faute.
J’ai toujours su ce que je voulais. Le plus souvent, je faisais des mauvais choix, mais au moins, je savais où je voulais aller. Ici, je n’en ai aucune idée. T’as tellement mis le bordel dans ma tête, tu m’as tellement fait mal que la moindre petite égratignure me fait peur.

Ce dont j’ai envie ? Me planter devant lui et lui dire : "Mec, je t’aime bien. J’ai peur. Je suis terrifiée. Je me demande bien où tout ça va me mener. Je te demande pas de me répondre que tu es fou de moi, que tu veux qu’on se mette ensemble, qu’on se marie et qu’on ait quatre enfants. En plus, j’aime pas les enfants. Mais dis-moi juste ce que tu veux. T’es pas le style de gars à voir plusieurs fois une fille si t’en as rien à foutre. Mais peut-être que je me plante. Alors s’il-te-plaît, dis-moi. Je veux savoir si je vais aller me ramasser mon mur toute seule ou si t’as envie d’y venir avec moi."
Tu sais bien que j’en serais capable. La subtilité et les sous-entendus, c’est pas trop mon truc. Je me sens également capable d’aller lui dire ça. Mais serais-je apte à entendre la répondre ?
S’il me dit qu’en fait il s’en fout, est-ce que je vais m’effondrer ? Cela pourrait détruire la confiance que j’ai en moi et que j’ai mis tellement de temps à construire. La perte serait trop grande.
S’il me dit qu’il a envie de voir où on pourrait aller, en serais-je capable ? Arriverais-je à m’investir à nouveau dans quelque chose sans tout faire pour foutre tout par terre ?

Puis tu vois, j’ai le sentiment qu’après ma tirade, il va me dire qu’il préfère qu’on arrête de se voir. Peut-être pas parce qu’il s’en fout, mais parce qu’il a lui aussi peur de s’attacher à quelqu’un. Où est-ce qu’on irait ? Deux personnes fragiles et blessées ensemble, nous avons bien vu toi et moi ce que ça a donné. Sublime le résultat. Tu me diras que j’étais persuadée que toi et moi, on ne finirait jamais ensemble. Le Chris que j’ai aimé rajouterait que toi et moi c’était bien, c’était même génial par moment, mais que tu n’étais pas assez bien avec toi-même pour pouvoir construire quelque chose de stable.

Je sais que ça doit faire bizarre que je te demande ton avis sur ce type de sujet, mais tu es la personne qui me connaît, et surtout, qui me comprend le mieux. Tu as toujours su mieux que moi les choses qui me feraient du bien. Et quand je ne voulais pas t’écouter, c’est-à-dire la majorité du temps, je finissais par me rendre compte que tu avais raison. Il en était de même pour moi vis-à-vis de toi. Je sais que c’est pour cela que tu m’évites. Mais je n’ai pas envie de revenir sur ce sujet.

Je me répète, mais tu me manques. C’est peut-être ça aussi, mes réticences avec Pierre : la peur de t’abandonner, de te trahir. La peur de passer à autre chose et de t’oublier. J’espère vraiment un jour t’apercevoir à nouveau.
J’espère que tu auras repris le dessus et qu’on pourra discuter autour d’un verre. J’aurai avancé et trouver le bonheur avec quelqu’un de bien .Tu auras réussi à construire quelque chose de stable. Nous serons heureux de voir que l’autre a réussi à trouver le bonheur.
Je sais que je dois aller de l’avant. Et c’est ce que je vais faire.

Je t’aime Chris et je te souhaite de redevenir toi.

Callie.