Journal d'une boulimique.

"Je rêve de devenir un boomerang. Un type qu'on lance et qui vous revient dans la gueule."

Je suis complètement perdue. Qui suis-je ? L’éternelle question… Rien de bien d’original là dedans. Qui ne se l’est pas posée ? Personne.

Ne nous voilons pas la face : je suis dingue de Matthieu. Encore et toujours. Je me suis retrouvée à côté de lui aujourd’hui et j’ai senti son parfum. Son putain de parfum qui me fait toujours les mêmes effets. Je me suis reculée pour ne pas faire de conneries. Pourtant, soyons réalistes, ce type n’est pas une bombe.

Je me souviens de la première fois qu’on s’est parlé. C’était au camp loups. Il me semblait froid. Distant. Pourtant, au fil du camps, je me suis bien entendue avec, mais il ne m’intéressait absolument pas. J’étais à fond sur Jérémie. Je m’étais d’ailleurs dit que Matthieu était le genre de gars avec qui je ne saurais jamais sortir.

Maintenant que je m’en rappelle, ça me fait bizarre de me souvenir de ce moment. Ce type, je m’en foutais. Je le trouvais sympa, mais vraiment pas mon type. Et pourtant, maintenant, j’en suis mordue. Il était tout pour moi. On m’a déjà dit qu’avec le recul, je ne trouverais plus mon histoire avec Matthieu aussi bien que je me l’imagine en ce moment et qu’à la prochaine, je me dirais que ça n’étais pas aussi bien que ça. J’espere que ça sera le cas. J’espere vraiment qu’avec le recul, je considérerais ce passage de ma vie comme un beau moment, mais pas comme exceptionnel. Car si je continue à le trouver exceptionnel, je ne pourrais jamais tourner la page. Je ne pourrais jamais passer à autre chose et je vais continuer à esperer que, plus tard, quand je serais plus loin dans mes études, on pourrait se remettre ensemble. Ce qui est complètement absurde et idiot.

Je m’accroche comme une dingue à Jean-Do parce que j’ai besoin de m’accrocher à quelque chose. Ma vie me semble vide de sens. Je ne comprend plus pourquoi je me lève le matin. Pour aller en cours. Mais pourquoi aller en cours ? Pour réussir mes études, pour ne pas décevoir mes parents, pour trouver un boulot. Mais je ne sais même pas ce que je veux faire. Je n’ai aucun but dans ma vie. Aucun but qui me maintienne debout. Tout ce qui me fait vivre, c’est de boire, de sortir, de fumer et de sortir avec n’importe qui n’importe quand. De me sentir aimer par des crétins que je ne reverrais sûrement plus.

Jean-Do veut qu’on parle. A la place de me dire tout simplement de lui foutre la paix. Je le pousse à bout en me disant à chaque fois qu’il va m’envoyer me faire foutre, mais il ne le fait pas. Chaque fois la même réponse : oui, il faut qu’on parle. Mais parler de quoi ? Du fait qu’on s’est bien amusé un week-end ? Qu’on a baisé ensemble, que c’était bien, mais que maintenant on n’a plus rien à voir l’un et l’autre ? Il ne pouvait pas me le dire dès le départ ? Ou par sms. A la place de me faire tourner en rond pendant deux semaines ! Aujourd’hui, on a eu plus ou moins une conversation. On s’est mis d’accord pour se voir. Ni chez moi, ni chez lui et ça c’est de moi. Je ne veux pas aller chez lui, parce que je me sentirais trop mal à l’aise et chez moi, aucun mec parce que la proprio ne veut pas. Ok, c’est une excuse bidon, mais je ne veux aucun mec de passage dans mon kot. Parce que Matthieu y est encore partout.

Ca ne marche absolument pas ma technique "sortir avec des mecs pour l’oublier". Je me sens vide. Vide de tout sentiment. J’ai envie d’en parler avec lui, car il n’y a que lui qui comprenait. Il n’y a que lui qui comprenait mes trips de merde. Seulement, cette fois-ci, c’est lui la cause de ce vide. Ce bad trip, il en est la cause. Pas volontairement, mais comment lui parler de ça ? De toute façon, il ne veut plus qu’on parle de nous. Et c’est mieux comme ça, car ce "nous" n’existe plus. Je ne pleure même plus. C’est le vide. Le vide. Et je trouve le vide pire que les pleurs.

Il y a deux jours, je suis restée avec la lame de cutter au-dessus de mon bras pendant 10 minutes et je me suis dit que la prochaine fois que la lame couperait la peau, ça serait la bonne. Pendant 10 minutes, des idées contradictoires me traversaient la tête. Je me disais que juste une petite entaille ne pouvait pas me faire de mal. Que, justement ça me ferait du bien. J’ai déposé le cutter sur la table. J’avais envie de hurler. De hurler ce mal être et cette rage qu’il y avait en moi. Je me demande combien de temps je vais encore tenir. Les paris sont lancés.

J’ai vomis mon souper. Je déteste rentré chez moi. Je déteste cette maison qui n’est plus la mienne. Cette chambre qui ne me ressemble plus. Cette maison dans laquelle Matthieu est partout. Dans laquelle mon combat pour la boulimie est imprégné dans chaque meuble de la cuisine qui ont l’air de me narguer en me disant : "tu ne résisteras pas. Tu vas finir par craquer". Aujourd’hui, j’ai craqué. Pourtant, la nourriture me dégoute. Je déteste la bouffe. Je hais ça. Je déteste faire à manger pour des gens, car pour moi c’est déjà un calvaire. Je hais me faire à manger parce que je sais ce qu’il risque d’arriver, je sais que la nourriture que je viens de préparer risque de se retrouver dans les WC. On ne guérit jamais d’une telle merde.

Si je m’accroche à Jean-Do, ça n’est pas pour lui. Lui, d’ailleurs, il m’insupporte en de nombreux points. C’est un peteux de première classe : n’accepte pas un boulot si le salaire ne lui correspond pas (c’est à dire moins de 2500 euro par mois alors que monsieur n’a aucune expérience dans la vie du travaille, et il estime encore que c’est limite), ne porte que des trucs de marques, se bourre la gueule avec du vin qui vaut au moins 10 à 15 euro la bouteille, snobe les gens qui font des études inutiles (genre moi) et se considère comme le mec le plus cool au monde. C’est le genre de gars que, d’habitude, je fuis. Mais, je me sens seule, j’ai besoin d’attention et, pour le moment, c’est celui qui me semble le moins con de tous ceux que je fréquente, c’est pour dire. De toute façon, il va me planter mercredi, comme d’habitude. Il n’a aucun courage ce type, c’est vraiment un gros con.

C’est plus facile de s’attaquer à des cons, parce qu’après ils ne nous manqueront pas. C’est ça mon problème avec Matthieu, c’est que je ne saurais pas dire de lui que c’est un con. Pourtant, depuis qu’on n’est plus ensemble, il n’a pas été un ange. On a eu une relation libre qui m’a fait espéré, on a recouché ensemble il y a à peine trois semaines et ça m’a refait espéré. Donc en gros, il s’est comporté comme un con sur ce coup là. Pourtant, à chaque fois, je voyais que ça comptais autant pour lui que pour moi, ces petits instants volés. Il y attachait de l’importance. Et ça, ça fait toute la différence. Je pourrais le détester pour ça.

Je radote, je radote,...

Je le vois encore demain. Le voir me fait beaucoup de mal et de bien. Du bien parce que j’aime le regarder vivre et du mal parce que, désormais, il vit sans moi.

Titre : Beigbeder