Journal d'une boulimique.

<< Je ne sais plus à quoi penser. C'est dur d'être libre comme toi. >>

J’ai encore passé ma soirée du vendredi soir avec Jérémie. J’étais un peu saoul.
J’admire les gens qui savent s’arrêter de parler lorsqu’ils sont saouls. J’ai tendance à trop parler et à dire ce que je pense un peu trop vite quand j’ai bu. C’est assez gênant.
On a beaucoup parlé de nous, de nos vies, de notre mal-être. Je lui aurais bien dit que ce qui me faisait le plus souffrir en ce moment c’était lui, mais j’aurais flatté son égo. J’ai trop d’orgueil pour pouvoir faire ça.
On a parlé de nos parents. De ses parents qui se sont séparés il n’y a pas tellement longtemps et que ça lui faisait un bien fou parce que, enfin, il allait pouvoir apprendre à connaître son père et à l’aimer. Pour le moment, quand il va chez lui c’est un peu forcé, mais il espère qu’au fil du temps ça va devenir naturel. De ma mère que je ne peux pas supporter et qui me bouffe petit à petit. Elle croit que je ne l’aime pas et elle a peut-être raison. C’est peut-être exagéré, mais je ne supporte pas quand elle me prend dans ses bras et qu’elle m’appelle ma puce. De toute façon, je sais qu’elle va me faire un reproche deux secondes après. Je ne supporte pas le regard qu’elle me lance quand je mange. Hier, elle s’est énervée sur moi comme elle ne l’avait jamais fait auparavant. J’ai vraiment cru qu’elle allait me frapper. Elle m’a couru après jusqu’à ma chambre où je me suis enfermée à clef. Je n’arrêtais pas de trembler. Je ne comprenais pas pourquoi elle s’énervait comme ça. De plus, elle m’engueulait pour un truc que ma soeur avait fait et avec lequel je n’avais rien à voir. Ca faisait deux semaines que je faisais des efforts pour paraître plus heureuse et moins chiante avec elle. Je ne comprenais pas ce que j’ai fait de mal ! Une de mes soeurs a dû aller chercher mon père qui était en pleine réunion pour venir la calmer. Et moi, comme une conne, j’ai sonné à Jérémie en pleure qui m’écoutait patiemment. Ce gars est trop gentil, c’est fou. Bref, mon père est venu me parler et après dix minutes d’hésitation je lui ai ouvert ma porte. Il ne comprenait pas pourquoi ma mère avait peté un plomb sur et moi je ne comprenais pas pourquoi il avait épousé une folle dingue pareil. Il m’a dit : "Ta mère n’ose pas te le dire, mais elle croit que tu ne l’aimes pas." Elle a peut-être bien raison. Si je me déteste, comment pourrais-je aimer une personne qui me ressemble autant ?
Revenons à ma soirée de vendredi. On a bu de la Téquila, on a réconforté une fille qui venait de se faire larguer par son mec après être resté 8 mois ensemble, on a mangé une mitraillette poulicroc (rien que ce nom me fait rire !), on a parlé de Dieu. On a parlé de son ex, Margaux. Fille que je ne sais même plus voir en peinture. Je la déteste et encore, le mot est faible. Pour la première fois, on a parlé sans qu’il s’énerve ou qu’il change de sujet. Peut-être qu’il commence à me faire confiance. "Tu sais ce qu’on a en commun ? C’est Margaux comme ennemie." A la différence que quand elle reviendra, il lui retombera facilement dans les bras alors que moi, elle a pas intérêt à venir me parler. Ca fait mal de l’entendre dire qu’il avait imaginé passer sa vie avec. Mais je souris et je l’écoute sans rien laisser paraître de ma douleur. Comme lorsqu’il me dit qu’il est presque tombé amoureux d’une fille à la Saint-Nicolas. Paf. Bang. Crack.
Je lui ai dit que je ne croyais pas en l’Amour. Avec un grand A. Après tout, c’est vrai, je commence sérieusement à me dire que ce sentiment est impossible. Bien sûr, on s’attache à des gens, mais tout cela est éphémère. Tous ces sentiments vont finir par s’évanouir en fumée. En fait, je ne crois pas qu’on puisse m’aimer. Niveau physique, je me dis que c’est impossible que quelqu’un puisse être attiré par mon corps. Point de vue caractère, c’est encore pire. Je suis invivable. Trop torturée, je ne suis pas un cadeau.

"C’est triste de penser ça et en plus ça n’est pas vrai. Je suis sûre qu’il y a des garçons qui sont amoureux de toi."
"C’est facile de dire ça, surtout quand toi tu ne l’es pas, amoureux de moi."
Silence.

Ca n’est pas de l’amour, c’est la peur d’être seul qui nous pousse à chercher un autre. L’homme a besoin d’attention. C’est facile d’en obtenir quand on veut vraiment.
"Ca m’énerve, toi tu peux demander de l’attention, mais moi pas. Pourquoi est-ce que ça va que dans un sens ?"
"Je suis un égoïste et un connard."
"Tu n’es pas un connard Jérémie, tu es trop gentil pour ça. Ca en est d’ailleurs désespérant."
"Pourquoi ne veux-tu pas me croire quand je te dis que je suis un connard ?"
"Parce que ça n’est pas vrai."

"Tu crois que ça va changer quelque chose pour nous deux lorsque Margaux va revenir ?"
Bien sûre que ça va changer quelque chose. Tu crois que j’arriverais encore à te parler alors que tu seras retomber amoureux d’elle ? C’est peut-être ça que j’aurais du lui répondre à place d’un simple non. Ou peut-être pas. Je ne dois pas lui dire ouvertement que, plus je lui parle, plus je m’attache et quand je tente de ne plus lui parler, je me sens vide. C’est horrible. Je ne veux pas dépendre de lui.
On a parlé de ma boulime. Comment en est-on arrivé là ? Je n’en sais rien. Mais si je voulais le dégouter de ma personne, je crois qu’il n’y avait pas meilleur moyen. Je lui ai dit que j’étais une salope et il ne me croit pas. Pourtant c’est vrai. Si je veux de l’attention, moi aussi je peux en avoir. Tout ce que je lui dis et qu’il prend comme avance, je peux le dire à n’importe qui. Je m’en fou, tant que au final j’ai ce que je veux. Quitte à être dégoutée de moi-même le lendemain matin. Je me déteste tellement que je ne sais même plus coucher avec quelqu’un. Rien que d’y penser, j’ai envie de vomir. D’ailleurs, je vomis déjà beaucoup trop. Il n’y a pas longtemps, j’ai saigné du nez. C’était bizarre de vomir mes tripes et puis d’un seul coup, de voir du sang qui se mèle au vomis. Au départ, je me suis dit que c’était peut-être l’oesophage qui lachait, mais ça aurait sûrement fait mal. C’était juste mon nez qui saignait. Rien que ça. Bref, je ne sais plus trop ce que j’ai dit à propos de ça à Jérémie. Cette soirée l’a sûrement dégouté de moi-même. Tant mieux. Il m’évitera peut-être davantage.
J’aimerai le blesser. J’aimerai qu’il me dise qu’il me déteste. Ca me briserait, c’est sûr, mais au moins j’arrêterais de lui courir après. Je ferais une petite dépression et puis je serais repartie. Là, je risque de caller sur lui, car il ne risque pas de me remballer. C’est horrible. Les mecs gentils sont pires que les connards.

"Tu t’es trompé. Je ne suis pas attirée par les connards, mais par les cas désespérés. C’est encore pire."
"Je ne sais pas. Je n’ai plus ton adresse msn. Je l’ai supprimée. De toute façon on ne se parlait jamais."
"Je ne suis pas heureuse. Je fais semblant. C’est plus facile."
"J’oublie tout le temps qu’on a pas le même âge. Oui, je sais, je n’arrête pas de te dire le contraire, mais c’est juste pour t’énerver"
"Toi aussi tu es comblée au niveau sexe. Tu as prononcé mon nom. J’aime bien quand on prononce mon nom."

Quand il est descendu du bus, je me suis mise à pleurer. J’étais saoul et j’avais compris quelque chose : Jérémie ne s’interesse pas à moi. Il m’aime bien comme une pote, mais sans plus. Il me trouve drôle et désespérée. C’est tout. Tout n’est encore que dans un sens. Et il ne va pas dans le mien.

Titre : Coeur de Pirate - Corbeau

"Je suis en dépression amoureuse."
Menteuse.