Journal d'une boulimique.

Orelsan - Si seul

BON. Ma détermination me lâche (évidemment), mais tout n’est pas perdu ! Je me donne un coup de pied au cul et ça va aller.
Objectifs : réussir mes examens, ne pas grossir.
Finalités : m’accepter telle que je suis, être heureuse.

Mes trois premiers examens se sont bien passés. Ce qui va être chaud, c’est ce week-end. J’ai l’impression que je n’y arriverai jamais. Mais il le faut. Si je pouvais ne pas avoir de seconde session ça serait génial !
Bref. Rester concentrer. Enregistrer la cible et m’y tenir. Plus facile à dire qu’à faire, mais tout est possible.

Beni est revenu à Ferrières ce week-end. Enfin, depuis hier en réalité. On se voit normalement. J’hésite. Je pèse le pour et le contre. Il y a évidemment plus de contre, mais le pour l’emporte : combler la solitude. Je reste cependant persuader que ça n’est pas une bonne idée. Même si avec Beni il n’y a pas de grands risques pour un attachement quelconque. Et puis, il va bien falloir que j’arrive à faire face à ma solitude un jour où l’autre et à l’accepter. Mais ça n’est peut-être pas le moment maintenant.
Je verrais bien demain paraît. S’il ne m’envoie pas de messages, je n’irai pas. Et il y a peu de chance qu’il le fasse.

Il faut que j’arrête d’être omnibulée par mon poids. Surtout maintenant. Je n’ai pas le temps. Ca n’est pas le moment ! Il faut que je parle de cette boulimie. J’ai envie (pour une fois) d’en parler avec quelqu’un. D’expliquer. D’en parler, d’en parler et de me vider. Je n’en parle que rarement, même à ma psy. Et jamais en détail. Juste deux ou trois petits éléments. Discrètement. Mais là. J’ai envie de le crier. De dire que ça me bouffe, que ça m’empêche de vivre, que je dois passer pour une déséquilibrée, mais que je n’en ai rien à foutre, que la maladie fait partie de moi et qu’on ne peut pas me prendre sans. Je suis boulimique, et alors ? Oui, ça m’empêche de vivre pleinement parfois. Oui, ça n’est pas facile tous les jours. Oui, c’est à cause de ça que je ne dors pas. Et alors ?
Répondre aux gens qui me demandent pourquoi je ne mange pas que c’est parce qu’aussi non je ne peux plus m’arrêter et que je ne veux pas faire ça devant eux. Leur expliquer que je n’ai pas envie de vomir maintenant.
Je déteste les examens. Et là ça devient de plus en plus dur. Je vomis trois fois par jour. J’ai la gorge irritée. J’ai mal au ventre. Et je ne maigris pas alors que presque rien ne reste dans mon organisme, que je fais des pompes et des abdos tous les jours. Le stress d’être enceinte revient donc. Mais j’ai fait un test, il est négatif et j’ai eu mes règles. Oui, mais les dénis ça existent et les tests ne sont pas à 100% fiables.
Je sais que ça n’est pas le moment de penser à ça.

J’ai BESOIN d’en parler. Mais je ne sais pas à qui. Je me vois mal appeler quelqu’un pour lui dire : "Et salut, je sais que c’est bizarre, mais en fait j’aimerai juste te parler de ma boulimie si ça ne te dérange pas ?"
Je ne suis pas cinglée, mais c’est tout comme. La seule personne qui n’aurait peut-être pas trouver ça bizarre n’aura pas le temps de m’écouter. Enfin, il le prendrait, mais je n’ai pas envie de faire perdre son temps à mon meilleur ami. Il me manque. De plus en plus, c’est atroce.

Je voudrais pouvoir expliquer à quelqu’un le calvaire que je vis au quotidien, pouvoir lui expliquer la douleur, la frustration, le manque, la culpabilité et les angoisses.
C’est toujours au mauvais moment que l’on décide de faire ça.