Journal d'une boulimique.

On ne peut pas ne pas communiquer.

Je suis rentrée au kot pour une semaine. Ca fait bizarre. Je ne me sens pas particulièrement bien. Toutes mes angoisses reviennent au triple galot. J’y reviens pour faire mes cartons, mettre de l’ordre dans mes affaires et étudier mon examen de mercredi.
J’ai peur de cette semaine. J’ai garé ma voiture dans une rue et j’ai peur qu’il se passe un truc. Je recommence à angoisser pour n’importe quoi.

Rentrer vivre chez moi a été une bonne décision de ma part. Ce qui prouve que je commence à apprendre à me connaître et que je fais des efforts pour pouvoir m’en sortir et aller mieux.

Jeudi, lorsque je parlais à ma psy de ma boulimie, je lui ai dit que j’en avais marre de m’attacher trop vite et trop fort aux gens parce que ça me faisait toujours mal et que, de ce fait, j’avais l’impression de ne pas avoir évoluer depuis mes 16 ans. Elle m’a dit que c’était faux et aujourd’hui, je pense qu’elle n’avait pas tout à fait tord.
J’essaye de prendre soin de moi, de prendre les décisions qui me feront le moins mal, qui m’aideront à avancer et qui me seront bénéfique. Choses que je ne faisais que rarement avant. Je peux alors dire que, oui, sur ce point, j’ai mûri.
Elle m’a dit que je serais toujours comme ça, c’est-à-dire à fleur de peau, à trop ressentir les choses violemment et à n’entretenir des relations qu’avec beaucoup de passion. Ce que je trouve pathétique et pitoyable, elle trouve que c’est ce qui fait ma personnalité et cela peut être un atout dans mes relations avec les autres parce que cela peut me permettre de comprendre et d’être plus ouverte sur le ressenti des gens. Je suis sceptique.
Je lui ai aussi demandé si je risquais d’être boulimique toute ma vie, de devoir organiser ma relation avec ma bouffe jusqu’à ma mort. Elle ne m’a pas donné de réponse claire. J’ai l’impression que oui, ça va être le cas, je vais devoir tout organiser tout le temps à ce niveau là. Je me dis que je n’en serais pas capable, car dès que mon moral sera au plus bas, tout risquera de s’écrouler et je ne sais pas si j’aurai la force de recommencer tout à chaque fois à zéro.
Cette maladie est épuisante.
Elle m’a aussi dit que le fait de lui en avoir reparlé de moi-même, sans qu’elle ne me force était une très bonne chose. Reconnaître la maladie.
On n’a vu les différentes étapes d’acceptation de la maladie. Tout d’abord le choc. Ensuite, la colère, stade que "j’apprécie" particulièrement avec la dépression. J’ai parfois l’impression que je ne fais qu’osciller entre les deux. Le marchande, il m’arrive de vouloir marchander, de vouloir accepter mais que certaine partie de la maladie en me disant "ok, je reconnais que me faire vomir ça n’est pas bon pour moi, mais si je ne le fais que une fois tous les x temps ça ne sera pas trop grave", ce qui, évidemment, ne règle rien du tout. La résignation, me dire que de toute façon je resterai comme ça toute ma vie et que je ne saurais rien y faire.
Je voudrais atteindre mon nirvana : l’acceptation. Oui, j’ai cette maladie. Oui, je suis malade. Mais je me soigne et je me bat et rien ne m’en empêchera. Je veux être dans ce stade. Je veux me battre et je veux que plus rien ni personne ne puisse venir m’abattre.

J’ai envoyé un message à Hugo vendredi :
"Pour tout ce que je t’ai dit hier, ça reste bien entre nous ? Je sais pas trop pourquoi je t’en ai parlé, je parle jamais de ce genre de truc, j’essaye au max devant les gens de faire comme si ça n’existait pas donc j’espère que je ne t’ai pas mis mal à l’aise. Hormis ça, j’ai passé une bonne soirée. Bonne fin de journée et bon week-end."
Il m’a répondu :
"Bien sûr que ça reste entre nous. Et non ça ne m’a pas mis mal à l’aise. Mais il faut que tu fasses quelque chose, que t’en parle. Ne reste pas comme ça. Bon week-end, et courage pour ton étude."

Il faut que je fasse quelque chose. Il a raison. J’ai décidé d’aller revoir une diététicienne, mais pas pour maigrir. Je ne veux pas maigrir. Enfin si, je veux, mais je ne veux pas que ça soit mon objectif. Je veux aller voir une diététicienne pour qu’elle m’apprenne à manger correctement et à pouvoir à nouveau être à l’aise à table sans me poser de questions sur tout ce que je mange. Il ne faut pas que je reporte ce projet. Au départ, je m’étais dit que je ferais ça après les vacances, mais c’est juste reporter le problème et il n’y aura jamais de bons moments pour faire ça. Je dois prendre rendez-vous maintenant ! Je dois me battre maintenant. Ca doit devenir une de mes priorités.

Je ne sais toujours pas pourquoi j’ai parlé de ça avec lui. Je ne le connais pas ou si peux. Il m’a parlé de certains trucs sur lui que je juge assez personnel, mais je me dis que c’était l’alcool. De plus, il peut aussi considérer que ce qu’il m’a raconté ne sont que des banalités. On ne peut jamais avoir totalement conscience de l’importance que les gens accordent aux informations qu’ils nous délivrent sur eux-mêmes.