Journal d'une boulimique.

Mercredi, encore.

J’ai appris cette après-midi que j’avais un examen qui se rajoutait. Réellement, ça n’est pas de la nouvelle matière, mais c’est un jour en plus où je dois me rendre à l’université et donc du temps que je perds pour étudier. En arrivant devant le bureau de la prof, après lui avoir demandé si elle ne pouvait pas rajouter des heures le même jour que l’examen et qu’elle m’ait gentillement dit qu’elle nous donnait déjà assez de dates comme ça et qu’elle aussi avait une vie, j’ai été pleuré dans les toilettes. Deux-trois larmes. Juste comme ça.
Ca me tue les profs qui nous disent qu’ils n’ont pas le temps parce qu’ils sont sur d’autres projet ou que sais-je. Nous ne les avons jamais obligé à être prof. Ils n’en ont d’ailleurs sûrement pas besoin de ce boulot. Donc soit tu fais ton boulot à fond et correctement, soit tu restes dans la recherche et tu ne viens pas m’emmerder. Tu crois que j’ai que ça à foutre de me ramener un autre jour à l’unif pour te voir 10 minutes afin de parler d’un travail de 4 pages qui vaut pour seulement un quart des points ? Non, mais !

Bref, je me sentais (et je me sens toujours) dépassée, pas à jour dans mon boulot, stressée, l’impression de perdre le question. En pleine crise d’angoisse quoi. Au milieu d’une classe de gens que je ne connais pas et aucun amis proches près de qui je peux aller juste pleurer un bon coup et expulser mon angoisse. Depuis tantôt, j’ai pas l’impression que cette crise soit vraiment passée.

En rentrant, je me suis arrêtée au supermarché et j’ai acheté de quoi faire une crise. Après avoir vomis, j’ai décidé de me mettre une heure sur mon piano pour décompresser. Ca a presque marché jusqu’à ce que mon père m’envoie un message assez agressif pour me dire d’arrêter parce qu’il avait eu une dure journée de travail. J’aurai pu continuer en ignorant son texto, mais non j’ai arrêté et je suis allée pleurer dans ma chambre. Et rien qu’en écrivant ça, j’ai à nouveau envie de pleurer.

Sérieusement, c’est quoi mon problème ? Oui, je sais, ça a un nom : l’hypersensibilité. On m’a déjà fait passé plein de test pour ça. Alors avec la boulimie en prime, ça n’arrange rien.
Je sais que je serais toujours hypersensible et j’ai arrêté de vouloir me changer, car ça m’apporte des qualités que je serais triste de perdre : une capacité musicale, une analyse profonde des situations, une ouverture sur le monde, etc. Mais quand je suis dans une crise comme ça, où j’ai juste envie de hurler parce que j’ai mal alors que je ne sais même pas pourquoi, j’aurai juste envie d’être une personne vachement moins sensible.

Ca a un petit côté marrant, parce que comme je connais bien ce genre de situation, j’ai tendance maintenant à les rationaliser. Ca ne m’empêche en rien d’avoir mal et de moins ressentir la chose, mais ça me permet de savoir que ça passera, comme toutes les autres crises sont passées.
Dans ces moments-là, je me sens juste épuisée. Et aujourd’hui, je me demande pourquoi est-ce que je m’inflige deux nouvelles années d’étude. Je sais que les périodes d’examens me stressent au plus haut point. Je sais qu’en plus c’est toujours la période privilégiée lors de laquelle je me remet en question. Alors sérieusement, pourquoi est-ce que j’ai voulu reprendre des études ? Mes nerfs craquent à chaque fois.
Je ne regrette pas mon choix. Quand ça sera passé, je sais que je serais contente d’avoir surmonté cette épreuve et que si je ne le fais pas, je vais toujours me demander ce qu’il se serait passé si j’avais réussi ce master. En plus, j’adore vraiment ce que je fais. Mais comme c’est un nouvel environnement, ça me stresse. Je suis ultra en avance dans mes cours, mes synthèses sont faites, j’ai déjà entamé, voire fini, les travaux que je dois rendre, j’ai déjà commencé à revoir certains cours et rassembler les notes qui me manquaient. Bref, je suis préparée pour réussir. Ca ne m’empêche pas de stresser comme une malade.
En rentrant dans ma voiture, j’avais envie de hurler de toutes mes forces. Il n’y a rien de spécial qui me fait mal. J’ai à peine penser à Gilles aujourd’hui en plus. C’est juste un putain de sentiment au fond de moi qui me rend sensible à tout ce qui m’entoure. Je peux pleurer rien qu’en croisant une personne qui a l’air triste dans la rue et souffrir pour elle. Mon super pouvoir, c’est de pouvoir partager les émotions des gens. Trop la classe. Ca me rend très empathique et une bonne copine, parce que j’essaye toujours de comprendre le point de vue de l’autre, mais dans des périodes de grands stress, c’est juste horribles. Je voudrais juste couper tous mes sentiments. Arrêter de ressentir. Me mettre en mode off.
Le plus marrant, c’est que j’ai envie de partager ça avec les gens qui m’entourent. Mais pour dire quoi ? "Salut ! Dis, j’ai envie de pleurer tout le temps c’est temps-ci, je me sens vraiment super mal, mais je ne saurais vraiment pas te dire pourquoi. Tu veux bien me consoler?" Merci, j’ai déjà essayé. En général, on me prend pour une fille qui en rajoute et qui est en manque d’attention. Donc je préfère garder pour moi et attendre que ça passe. Je parle juste de mon stress sur le ton de l’humour .

Vivement que ça passe. Vivement que ça passe.

P.S. : Demain, je vais voir le Lac des cygnes. Un de mes rêves va se réaliser ! Le point positif de mon ultra sensibilité de ce moment, c’est que je vais ressentir la musique et le ballet plus que tout au monde. Ca va être super beau, je me réjouis. (Il faut quand même bien que de temps en temps ça me serve à quelque chose).

Ah oui et en ce qui concerne ma crise de boulimie d’aujourd’hui : je suis contente parce que la journée, à nouveau, tout s’est bien passé. J’ai décidé d’y aller par étape et de ne pas me mettre la pression par rapport à ça, sinon ça ne fera qu’empirer. Mardi prochain je vois ma psy et on fera un plan de bataille. A nous deux, ça devrait aller.