Journal d'une boulimique.

Errance

Je suis à Dublin depuis maintenant presque deux mois. Je suis des cours d’anglais tous les matins de la semaine et j’essaye de voyager au maximum le week-end. Le reste du temps, je lis, je regarde des séries et des films (en anglais la plupart du temps), j’ai recommencé à écrire sur papier, mais surtout, je réfléchis.
Sur moi-même principalement. Chose très égoïste.

J’évite de penser sur le monde, car celui-ci me dégoûte. Son fonctionnement capitaliste m’écoeure. Je me rend bien compte que je fonctionne avec ce système et je ne comprend pas comment est-ce qu’on pourrait l’améliorer ou totalement le changer sans faire trop de dégâts. Je ne partage pas les stratégies consistant à détruire complètement un système pour le bien-être des générations futures, tout en détruisant la vie de centaines voire de milliers d’innocents qui ne seront considérés que comme des "dommages collatéraux".
Je me sens donc prise au piège dans un système que je ne comprend et ne maîtrise absolument pas. Dans un système, qu’au fond, personne ne maîtrise réellement. Nous sommes tous les pions de ce système qui, selon notre emplacement, nous broie ou nous gratifie. Comme l’a dit Saez : "Je suis un homme mort coincé entre quatre murs."
Quand je vois ce qu’il se passe en Belgique en ce moment, j’ai une boule au ventre. Je ne comprend pas comment seulement 110 000 personnes sont allées manifestées. Je suis énervée sur ces glandus qui reste assis devant leur télévision en insultant ces "débiles de chômeurs" qui foutent le bordel juste pour emmerder son monde. Ne voient-ils donc pas que notre gouvernement est en train de réformer nos droits les plus basiques ? Ne voient-ils donc pas que, dans le contexte économique actuel, toute personne peut se retrouver sans emplois et, même avec les semaines de préavis, peut avoir d’énormes difficultés par la suite de retrouver un travail ? Ne voient-ils pas que notre gouvernement est dirigé par une droite proche de l’extrême ?
Et bien non. Personne ne dit rien. Les gens ferment les yeux et préfèrent rester dans leur confort tellement sécurisant, mais également de plus en plus incertains. Et quand tout leur exploseront à la gueule, ils voudront trouver un coupable. Pour cela, ils n’auront qu’à regarder dans leur miroir.

Je suis dégoûtée de ce monde dans lequel je suis enfermée. Je suis dégoûtée de ce système et c’est pourquoi, lâche que je suis, j’évite par tous les moyens d’y penser.
Sauf qu’ici, je n’y arrive pas. Je n’ai pas d’autre choix que d’y penser. Et je ne me demande pas si cela ne va pas me rendre folle si je ne trouve pas une solution.

Avant, c’était facile : je ne pensais qu’aux mecs. J’avais toujours un mec en tête et ça n’arrêtait pas de me prendre la tête. C’était parfait comme sujet de substitution. Mais ici, je n’ai personne en tête. J’essaye, en vain, de trouver n’importe qui à m’imprimer dans le crâne, mais pour la première fois de ma vie, ça n’a pas l’air de vouloir fonctionner.
Alors oui, je devrais plutôt être satisfaite : je ne suis vraiment plus amoureuse de Chris et pour une fois, j’ai le coeur libre. Mais je me sens toujours aussi seule. J’ai l’impression d’avoir besoin de trouver quelqu’un à qui parler. Quelqu’un a qui je pourrais exprimer ce que je ressens, là, maintenant. Expliquer cette boule au ventre, cette peur de l’univers, cette angoisse de l’avenirs et de la solitude.
J’ai bien entendu des potes ici. Il y a bien entendu des gens avec qui j’ai de très bonnes relations et qui deviennent même des amis. Mais je n’ai pas rencontré la personne que je recherche, cette personne a qui je peux m’ouvrir sans peur et sans mensonges.
J’ai besoin de quelqu’un a qui je peux ouvrir mon sac tout en grand et qui sera prêt à recevoir tout ce que je vais lui donner. Cette personne qui sera prête pour voir à quel point je suis sensible et fragile, et qui s’engagera à essayer de me faire le moins de mal possible.