Journal d'une boulimique.

"Mais y a pas de bonne manière pour se dire Adieu. Ca se passe jamais comme on veut..."

71,6kg. Lundi j’en faisais 74,6. Mon but est 68kg.

J’ai reçu de l’argent et l’accord de mon père pour mon piercing dans le nez. Je le ferais le 23 normalement. Le jour du concert de Tom. Et ce jour là, je ne veux pas faire plus de 68kg. 15 jours pour y arriver. 15 jours pour perdre 3,6 kg. Ca a l’air bien parti. Il ne faut pas que je flanche.

J’ai beaucoup de mal à m’endormir ces temps-ci. Alors je réfléchis beaucoup. Hier, j’ai lu Là où j’irai de Gayle Forman. A la fin, j’avais mal. Très mal. Je ressentais la blessure que ma rupture avec Matthieu m’avait faite. Et qui n’est toujours pas cicatrisée. Qui ne cicatrise pas.

Je n’ai plus mal quand je le vois. Je ne ressens plus rien au fond du ventre quand on se frôle ni même les deux fois où on est sorti ensemble il n’y a pas si longtemps. Mais j’ai mal quand je pense à me mettre avec quelqu’un, quand je me vois détruire mentalement toutes les opportunités que je pourrais avoir. Je me demande pourquoi je suis seule. Souvent. Et je me rends compte de plus en plus que c’est de ma faute. Je fais tout pour rester comme ça.

Je m’imaginais me remettre avec Matthieu. Rien qu’à l’idée de me dire qu’il voudrait me voir tous les deux jours, que je le verrais tous les week-end et qu’on coucherait ensemble… C’est bon, c’est non ! Je ne saurais pas. Il n’y a plus le truc que j’avais pour lui.

Quand je repense à ça, j’ai pas l’impression d’avoir déjà aimé quelqu’un comme ça. Je lui aurais tout donné. Je me serais tuée pour lui. Je me donnais. J’étais à lui. Et maintenant, je veux juste me caser avec quelqu’un avec qui je serais bien et qui ne me posera pas trop de questions. Mais je sais que ce n’est pas là-dedans que je serais bien.

Après Matthieu, je me suis attachée de mecs inaccessible. Tout en sachant pertinemment que s’il revenait, j’abandonnerai tout pour lui. Jean-Do avec qui c’était perdu d’avance et pourtant je m’y suis (un peu) accrochée. Peut-être justement parce que je savais que ça ne pouvait pas marcher ?

Puis Benja. Il m’arrive de penser à lui encore quelque fois et à me dire que, si on ne s’était pas porté comme deux crétins, lui et moi ça aurait pu marcher. J’ai toujours refusé ses promesses de fidélité et je n’y ai d’ailleurs jamais vraiment cru. J’aurai voulu y croire, mais au fond de moi, je savais qu’il n’était pas capable d’une telle chose. Et quand on se revoit (et qu’il me parle correctement), j’ai parfois envie d’entamer la conversation avec lui et je vois que lui aussi. Mais on ne sait plus vraiment comment se comporter l’un envers l’autre. Et ses yeux me déstabilisent toujours. Mais il ne me manque pas. Et je ne veux pas que l’on recommence à coucher ensemble comme avant.

Et puis des mecs sur qui j’ai calé pendant une semaine ou deux. Avec qui je n’ai rien tenté de sérieux. Ou quand je voyais que c’était impossible, j’abandonnais, étais triste une heure puis je me demandais pourquoi est-ce que je voulais sortir avec ce type.

Il est clair que je pense encore de temps en temps à Werpin. J’aurai voulu le connaître un peu mieux, pouvoir lui parler un peu plus. D’ailleurs, je l’ai croisé la semaine passée. La première fois qu’aucun de nous n’avait un verre dans le nez. Le malaise. S’il n’avait pas sa copine… Ca aurait sûrement tourné en plan cul et on aurait pu devenir pote. Maintenant, se voir juste tous les deux, c’est juste… malsain ? bizarre ?

Puis Tom.

J’ai parfois l’impression de m’être coupée des sentiments. De m’être dit "c’est plus pour moi" et donc de ne plus en être capable. Je "m’attache" à des mecs pour m’occuper sans en avoir vraiment quelque chose à faire. Se mettre avec quelqu’un implique ré-expliquer sa vie, mes blessures, mes problèmes. Parler de boulimie, de la mort de Yoann (et que depuis, un enterrement, même d’une personne que je connaissais à peine, est une épreuve quasi-insurmontable), de mes scarifications, de mes crises d’angoisse et de stress. Bref, c’est m’ouvrir. C’est donner, partager une partie de moi. Et le risque de me voir à nouveau détruite par un autre. Risque que je ne peux pas prendre. Parce qu’à cette destruction, je n’y survivrais pas.

Je me pose aussi beaucoup de questions sur mon avenir. Je commence à comprendre pourquoi je relègue mes études au second plan : parce que après, va falloir bosser. Et ma vie me semble dès lors toute tracée. C’est-à-dire "Métro-boulot-dodo". Je ne veux pas d’une vie comme ça. Je ne veux pas me lever tous les lundi en espérant juste être le vendredi soir. Pour habiter seule dans un appart. Mon avenir me déprime. Et puis, de toute façon, comme je l’ai souvent dit, je ne me vois pas dépasser la trentaine. Je mourrais avant ça. D’un accident de voiture ou d’une connerie dans le genre. J’espère juste pouvoir avant me rendre compte que je peux encore aimer.

C’est ce qui me fait le plus peur : ne plus savoir aimer.