Journal d'une boulimique.

"Je suis un homme mort coincé entre quatre murs. Je suis un homme moderne."

Je déteste ces soirées où l’on se sent seule. Parce que, en général, en plus de se sentir seule, on se sent moche, grosse, insignifiante, terriblement conne et pas du tout intéressante. J’écoute Saez. Je ne peux pas tomber plus bas. Je perd toute confiance en moi. Et je ressasse la même chose. Encore et encore. Ma vie est chiante. Je vous plains, vous qui êtes en train de me lire. Je suis crevée. Je n’ai pas dormis de la nuit. J’ai fait une sieste cette après midi et j’ai rêvé de Yoann. Il était encore mort. Une seconde mort. On l’avait assassiné. J’avais retrouvé sa tête dans une rivière. Et il y avait une autre fille qui était morte aussi peu de temps après lui. Je me suis réveillée en pleurs. Je ne savais plus où j’étais. Depuis que c’est fini avec Matthieu, je dors mal, mais ça c’est empiré depuis le début de la bloque. Je me disais que quand ça serait finis ça irait, mais non. Même si je n’y dors pas beaucoup parce qu’ils ronflent, j’aime aller dormir chez Benja et Jean-Do parce que ça me rassure de les savoir à côté de moi. Parce que je me dis qu’il ne peut rien m’arriver. Parce que j’ai peur. Tout le temps. J’ai des images de mort dans ma tête. Je fais des rêves où tout le monde meurt autour de moi et me réveille le matin en hurlant. "Et l’envie de s’y perdre dans les bras l’un de l’autre, peut-être j’y ai cru. Je sais plus." SAEZ. Je ne sais plus en ce que je crois. Est-ce que je pense qu’on peut être heureux avec quelqu’un ? Je n’en sais rien. Je vois tellement de couples qui se mentent, qui s’illusionnent. Ils vivent quelques mois de bonheur pour finir par se déchirer. Et mes parents, je ne sais même pas s’ils s’aiment. Oui, ils s’entendent bien. Mais j’ai l’impression parfois qu’ils vivent ensemble par facilité. Parce que comme ça ils ne sont pas tout seul. Je trouve ça triste. Décevant.

Tu y crois, toi, à la magie des rencontres ?

Me dis pas, toi, que vivre fatigue, qu’on ne fait que passer.

Dois y avoir autre chose.

Je n’ai pas envie de vieillir. J’ai relu des vieux journaux de quand j’avais 12-14 ans. Je m’étais dit que quand j’aurais 18 ans, tout irait mieux dans ma vie. Je serais heureuse. Je ne serais plus grosse. Je serais jolie. J’aurais un amoureux. J’ai 18 ans. Je suis seule. Toujours grosse. Je grossis d’ailleurs à vue d’oeil et je ne fais semblant de rien. Je mange super mal. Ou je ne mange pas. Je ne vomis plus. Au moins, ça c’est positif. Mais je ne sais pas ce que c’est manger sainement, manger normalement. Je pense que je ne le saurais jamais. Je ne suis pas jolie. Pas moche non plus, pas repoussante. Mais pas une biche. Pas une fille après qui on court après. Je ne suis pas heureuse, mais donne juste l’impression de l’être. Comme depuis toujours. Et ça ne changera pas. Jamais. Pas d’amoureux. Juste des coups de passage. Juste des gens qui me font sentir moins seule l’espace d’une nuit. Des gens qui n’en ont strictement rien à foutre de ce que je peux penser. Ne me faite pas la moral. Je sais, c’est de ma faute. Je sais, je devrais arrêter de faire ça. Donc, je sais, c’est bien fait pour moi. Je ne dis pas ça pour me plaindre, juste pour énoncer une évidence. Enfin il y a pire.

Tu ressembles au nauffrage que j’ai fait autrefois

Que j’ai fais tant de fois, que j’ai fait avec toi.

Dis, on le referra ? Dis… on le referra ?

Allez jure, allez crache, qu’on le referra.

Je ne m’imagine pas passer les 25 ans. 30 ans max. C’est comme ça. Je suis pas faite pour être heureuse. Je ne suis pas faite pour vivre 70 ans en souffrant de la solitude. Je sais, je n’ai que 18 ans et plein de choses peuvent encore m’arriver. Ma vie peut complètement basculer. Oui, oui, ça je le sais. Mais je n’y crois pas. C’est tout. Je ne pense pas qu’on puisse tomber amoureux de moi. Parce que, est-ce que Matthieu m’a vraiment aimé ? Je ne pense pas. Je ne sais pas. Je ne suis pas faite pour être en couple. Je ne suis pas faite pour être toute seule. En gros, je ne suis faite pour rien. Je n’attenterais rien à ma vie. L’exemple de Yoann m’a suffit. Mais je pense que la vie se chargera toute seule de moi. Les gens s’en remettront vite. Je ne me vois pas finir mes études, rencontrer quelqu’un, me marier, avoir des gosses et puis veillir tranquillement jusque la fin de ma vie. C’est trop facile. Beaucoup trop facile. Donc ça n’est pas possible. C’est pas que je ne voudrais pas. C’est juste que c’est comme ça. Je suis cynique et pessimiste. Ma psy me disait toujours que je devais arrêter de prévoir des plans catastrophes. Imaginer le pire pour que ça ne se réalise pas. Je suis trop conne.

Rousseau est considéré comme le père de l’éducation de l’enfant. Il a abandonné tous ses gosses à des orphelinats. Il a écrit des bouquins sur la société. Il s’en était retiré. Toutes les histoires d’amour de Shakespeare finissent mal. Goethe parlait déjà du divorce. L’amour et les passions ne sont que des idéaux venant de la littérature.

Que tout est noir, que tout est noir.

Comment te dire que tout est noir ?

Comment j’ai peur, comment j’ai froid.

Comment te dire, quand t’es pas là,

Que moi sans toi ça ne veut rien dire.

L’unique personne que je vais réussir à détruire, c’est moi.

J’ai décidé de détruire quelqu’un, briser une existence, massacrer un destin par hasard, et tout à fait injustement, choisir un innocent, quelqu’un qui pourrait être heureux, qui n’a pas encore été corrompu, qui croit en tout, la vie devant lui, l’espoir, et en faire une épave dans mon genre, quelqu’un qui dort en ce moment, rêve d’amour, et d’avenir, sans se douter une seconde que je viens de décider sa perte. Et juste à cet instant, j’ai cessé de m’ennuyer.

Bubble gum - Lolita pille